« Les nationaux-socialistes ne sont pas les premiers à avoir diffamé Heine. Ils lui ont presque fait honneur, en inscrivant, sous la Loreley, la mention « poète inconnu » qui validait comme chanson populaire ces vers étincelants, lesquels rappellent plutôt des filles du Rhin bien parisiennes et qu’on croirait sorties d’un opéra disparu d’Offenbach. » – T.W.Adorno
Depuis longtemps, j’imagine raconter Heine par Offenbach, et inversement.
Juifs allemands originaires de Rhénanie, devenue un temps française par l’occupation des troupes napoléoniennes, ils sont arrivés à Paris en même temps (au début des années 1830) et ils y sont aujourd’hui enterrés pas trop loin l’un de l’autre, au cimetière Montmartre.
Ils partageaient aussi le même esprit satirique, le même culte du plaisir et de la légèreté. Pourtant, ils ne se sont sans doute jamais rencontrés.
À moins qu’au détour d’un salon, Heine ait entendu ce jeune prodige du violoncelle, qui ne deviendrait célèbre que plus tard, quand lui-même serait trop malade pour sortir de sa chambre.
À moins, et c’est tout de même une drôle de coïncidence, que Heine, déménageant en juin 1855 pour sa dernière adresse parisienne, un appartement du 3 avenue Matignon, « au cinquième étage, avec balcon », ait aperçu la foule se presser devant le nouvel établissement qui ouvrait cet été-là, juste en face, dans les jardins des Champs Elysées : les Bouffes Parisiens, le théâtre d’Offenbach.
En tous cas, contrairement à beaucoup de compositeurs du XIXème siècle, Offenbach n’a jamais composé de Lied sur un poème de Heine. Mais qu’importe.
Cette rencontre, sur une scène, on peut toujours la rêver.
Tous deux ont observé les bouleversements de la société française avec le regard lucide de l’exilé.
Irène Bonnaud présente dans cette lecture-concert un avant-goût de son spectacle sur l’exil parisien de Heine, qui sera créé cette saison à la Scène Nationale de Toulon-Châteauvallon.
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‣ Irène Bonnaud, dramaturgie et mise en scène
‣ Mylène Bourbeau, soprano
‣ Aurore Ugolin, mezzo
‣ François Chattot, comédien
‣ Benjamin Laurent, piano
‣ Illustration : Une Vie parisienne de Vitalia Samuilova