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Dévotion

12 avr. 2025 - 28 avr. 2025

Informations pratiques

Pendant quatre ans, Karina Amadori a mis de côté les chutes de fils de soie qui lui restaient de son travail quotidien. Dans une logique de production industrielle, ces petits restes seraient oubliés et non exploités, mais ne pas s’en débarrasser est une forme de résistance à la matière, et la résistance fait autant partie intégrante du travail de Karina que l’utilisation de la soie elle-même.

Le travail de l’artiste apporte une perception de la matière et du geste, d’un temps marqué par la répétition et le soin. Entre le gaspillage et l’utile, sa pratique s’enracine dans l’idée de dévotion, d’utilisation continue et d’intimité avec la matière. Sauvegarder, préserver, recomposer sont les verbes qui traversent la production de cet épiderme architectural.

Le travail, sans intention initiale, aboutit à une tannerie, une transformation où l’organique et l’architectural se confondent. C’est là que Karina trouve une solution ancestrale : la douceur de la matière sur la rigidité structurelle, une coexistence entre la protection et l’exposition. Et ici, pourquoi ne pas rappeler ce que l’anthropologue britannique Tom Ingold soulignait, l’artisanat est un processus continu d’implication dans la matérialité du monde, où la matière n’est jamais passive, mais co-auteur de la création. Ici, la matière devient palpable, le résultat de la pratique et du temps.

La relation intime que Karina a établie avec la matière au fil des ans se reflète dans l’expérience du spectateur face à l’œuvre. De prime abord, une surface homogène, presque imperceptible, rappelle la neutralité d’un mur blanc. Mais la véritable nature de l’œuvre ne se révèle que dans l’approche, dans la coexistence attentive et patiente du regard. Cette invitation à l’intimité rappelle l’idée de Didi-Huberman (philosophe, historien de l’art vers qui l’on peut toujours se référer) selon laquelle le détail est une fissure invisible, un appel au spectateur pour qu’il dépasse la première couche perceptible. Tout comme l’artiste a eu besoin de temps pour comprendre
et transformer les chutes, le spectateur doit se donner le temps de découvrir, de prêter attention à la matérialité subtile qui se cache et se révèle dans la proximité.

L’œuvre ne se résout pas dans la finition parfaite, mais dans l’étrangeté de l’inachevé, dans l’hésitation entre le contrôle et l’incontrôlable de la nature. Comme Lygia Clark l’a souligné dans ses recherches sur le corps et la matière, il y a un moment où l’objet devient une extension sensible du sujet, dissolvant les frontières entre l’intérieur et l’extérieur. Karina nous invite à cette proximité, où l’intimité ne se révèle que dans un contact étroit. Il faut plus qu’un regard pour s’intéresser à l’œuvre, il faut un corps, une permanence.

En complément, nous pouvons développer un autre élément de perception de l’œuvre : l’audace de Karina dans le travail du blanc sur blanc, que l’on ne voit souvent que dans les œuvres minimalistes ou conceptuelles, mais qu’elle fait vivre d’une manière unique et en accord avec son parcours historique.

Son œuvre est unique car, sur ce thème, on ne comparerait pas Kazimir Malevich à son œuvre « Blanc sur Blanc », de 1918, qui explorait la pureté des formes et des couleurs. Ou encore, comme Lucio Fontana dans « Concetto Spaziale ». Karina ne montre pas ses références au néo concrétisme ou au suprématisme, mais elle flirte avec elles sans le vouloir, montrant ainsi sa qualité plastique.

Cette œuvre est une peau qui se moule au dévouement du travail. Continu, au zèle qui transforme les chutes en présence. L’invitation de l’artiste est claire : rendre le spectateur intime avec l’oeuvre, le rapprochant ainsi de l’intimité de l’artiste avec la soie.

Date

Du 12 au 28 avril 2025
Vernissage le vendredi 11 avril 2025, à partir de 19h

Horaires

De 10h à 18h
Ouvert le week-end

Tarifs

Gratuit
Entrée libre

Maison du Brésil

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