Dans la tête de Jean-Michel Folon

Le conférencier Didier Boudet donnera une conférence intitulée Dans la tête de Jean-Michel Folon : Folon et le Portugal, les affinités électives. Ce voyage sur les traces de l’artiste, qui prêta son talent d’affichiste pour l’Unicef, l’Unesco et Amnesty international, sera ponctué de poèmes de Fernando Pessoa entrant en résonance avec l’abécédaire visuel du peintre et conclu par une interprétation d’une composition de Michel Colombier sur laquelle ses personnages s’envolèrent de 1975 à 1982 dans un générique de la télévision française.

Abusivement réduit au personnage de rêveur hors de son temps, Folon fut au contraire ancré dans son époque, dénonçant ses excès et ses contradictions, proche de certaines avant-gardes tout en défendant farouchement sa singularité esthétique. Surtout connu pour ses aquarelles à la teinte onirique, aux horizons apaisants et pour les personnages volants d’un générique télévisuel resté dans toutes les mémoires, ce natif de la banlieue bruxelloise fut néanmoins un inlassable explorateur de techniques et de pratiques différentes. Il a couvert par une curiosité toujours en éveil tous les champs de la création artistique (dessins de presse, affiches, aquarelles, fresques, mosaïques, tapisseries, photos, sculptures, jusqu’à l’animation télévisuelle…).

Suite à la lecture du catalogue d’exposition de la rétrospective Folon au musée des arts décoratifs qui eut lieu de décembre 1971 à février 1972, la préface de François Mathey a immédiatement attiré l’attention de Didier Boudet. Ce texte inspiré qui révèle les multiples facettes d’un artiste singulier a confirmé son intuition d’aborder un univers beaucoup plus riche que celui donné communément par la critique. Ce saisissement initial, conjugué aux récentes trouvailles et derniers travaux effectués sur l’œuvre de Folon, sera prétexte à revisiter l’œuvre multidimensionnelle d’un artiste incontournable du 20ème siècle.

Folon a passé sa vie à enrichir sa pratique et à déployer son prisme d’intervention, faisant du « less is more » – affiché sur les murs de sa jeunesse – le viatique d’une création entièrement tournée vers une simplicité volontaire qui a pour objectif principal d’atteindre à la plus grande efficacité visuelle.

L’homme à la diction patiente et au phrasé délicat, qui puisait autant dans le travail d’un Paul Klee, d’un Magritte ou d’un Turner, fut d’abord et avant tout l’héritier européen du grand cartooniste Saul Steinberg. Ce n’est pas un hasard, si à peine âgé de 25 ans, ses dessins qu’il réalisa pour le New Yorker lui valurent immédiatement la reconnaissance de la presse américaine.

Artiste internationalement reconnu, celui qui citait volontiers Henri Michaux et illustra l’intégrale de Prévert ne pouvait que tomber sous le charme du grand humaniste qu’était Fernando Pessoa, l’homme-livre, l’homme-monde dont les hétéronymes et les multiples identités résonnent singulièrement avec les visages kaléidoscopiques des aquarelles qui firent sa renommée (L’homme dans la tête/Comme un miroir).
Né en 1934, année où Pessoa publiait son premier recueil en Portugais, Folon, l’enfant de Bruxelles, qui rêvait sur le reflux de la mer du Nord dans les plaines du Zwin est un peu le petit frère de Ricardo Reis philosophant sur la langueur du Tage. Pour témoigner son admiration pour l’œuvre de Pessoa, Folon ira même jusqu’à lui consacrer une sculpture, celle-là même qui accueille le visiteur devant la maison natale du poète lusitanien. Rien d’intriguant à cela, l’artiste de la couleur partage avec le poète un goût pour la contemplation et la beauté du monde.

Tout en retraçant le parcours de Folon, cette conférence donnera l’occasion de découvrir un aspect moins connu de son œuvre, la sculpture. Encouragé par César à travailler la matière, il passera avec un même talent du bois au bronze dès la fin des années 80, réalisant des créatures à la simplicité minérale, pensées pour faire corps avec l’espace et rappelant l’ art étrusque et les formes totémiques des civilisations perdues. Nous évoquerons également son travail d’illustrateur pour les grands auteurs, mettant son art du trait et de la couleur aux services de Kafka, Borges ou Boris Vian. Pas étonnant que le Portugal, terre poétique par excellence (Camoes, Andrade, Helder, Judice) ait attiré ce rêveur impénitent.

Biographie de Didier Boudet (conférencier)

Didier Boudet est passionné d’arts, de musique et de littérature depuis toujours, programmateur dans le festival « Jazz en Nord » (Hauts-de-France), journaliste indépendant et animateur radio, il consacre des conférences à la culture afro américaine. Défendant l’idée d’un art qui fait sens et reflète la complexité de notre société, il a à cœur, à travers ses articles et ses interventions, de promouvoir et de mettre en lumière les valeurs montantes de la création artistique contemporaine, toutes disciplines confondues pourvu que l’authenticité soit au centre de la démarche esthétique. Il a notamment participé en tant que conférencier à l’exposition Power to the people photos de Stephen Shames à la « Maison folie » de Lille.
Son parti pris de conférencier s’appuie sur une approche biographique, basée sur les anecdotes, le vécu, les rencontres et interactions, pour faire revivre et entrer le public dans le monde de l’artiste.